🇪🇺 L’Union européenne adopte son 18ᵉ paquet de sanctions contre la Russie

Contexte
Plus de deux ans après le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, l’Union européenne poursuit la consolidation de son régime de sanctions. Le 18ᵉ paquet, adopté à l’unanimité par le Conseil de l’UE, est ambitieux : recentrage assumé sur les circuits de contournement, les soutiens indirects (notamment tiers États et structures offshore), et les moyens de projection économiques et militaires de la Fédération de Russie.
Ce train de mesures intègre à la fois de nouvelles désignations individuelles, un élargissement des sanctions sectorielles (énergie, finance, industrie de défense) et des dispositifs spécifiques pour contrer les pratiques de détournement, y compris en matière d’arbitrage international.
Contenu du 18ᵉ paquet
 1. Désignations individuelles et entités financières
55 nouvelles personnes physiques et morales sont ajoutées à la liste des sanctions, notamment des institutions financières directement impliquées dans le financement de l’effort de guerre russe. Ces désignations s’accompagnent de gels d’avoirs et d’interdictions d’entrée sur le territoire de l’UE.
2. Secteur de l’énergie
Ce volet constitue l’un des axes majeurs du nouveau paquet.
- Plafond de prix : le plafond imposé par l’UE sur le pétrole brut russe est abaissé de 60 à 47,6 dollars/baril, avec un mécanisme d’ajustement automatique, pour rester en phase avec les prix mondiaux.
- Flotte fantôme : 105 navires supplémentaires (pétroliers de pays tiers notamment) sont interdits de port et de services européens. Ils sont accusés de participer à des opérations de contournement ou de transport de ressources stratégiques (matériel militaire, céréales ukrainiennes détournées).
- Sanctions ciblées : certaines entreprises gérant ou exploitant ces navires sont sanctionnées, tout comme une raffinerie indienne dont Rosneft est actionnaire majoritaire, un opérateur privé de registre maritime et – pour la première fois – le capitaine d’un navire.
- Produits raffinés : l’importation de carburants transformés à partir de brut russe est interdite, y compris s’ils transitent par des pays tiers, à l’exception des partenaires G7 (Canada, États-Unis, Royaume-Uni, Suisse, Norvège).
- Gazoducs Nord Stream 1 et 2 : toute transaction liée est interdite, empêchant de facto leur exploitation ou remise en service.
- Exemption tchèque : l’exception temporaire sur les importations de pétrole russe vers la Tchéquie est levée.
 3. Secteur bancaire et financier
L’approche devient plus systémique :
- Extension des interdictions de transaction à 22 nouvelles banques russes, s’ajoutant aux 23 déjà visées.
- Crypto-actifs et pays tiers : l’UE abaisse les seuils de déclenchement des sanctions à l’égard des entités extraterritoriales (y compris fintechs et prestataires crypto) qui contribuent au contournement.
- SPFS : les structures utilisant le système russe alternatif au SWIFT (SPFS) sont explicitement visées.
- RDIF : le Russian Direct Investment Fund et ses sous-structures font l’objet d’une interdiction renforcée, y compris les entités qui y ont investi ou fournissent des services financiers.
- Logiciels bancaires : interdiction d’exporter des systèmes de gestion ou logiciels utilisés dans les services bancaires et financiers.
4. Industrie de défense et biens à double usage
En vue de réduire les capacités militaires de la Russie, le Conseil impose de nouvelles sanctions complètes aux fournisseurs du complexe militaro-industriel russe, y compris trois entités établies en Chine qui vendent des biens utilisés sur le champ de bataille.
- Fournisseurs militaires : plusieurs sociétés russes, chinoises (3) et biélorusses (8) sont ajoutées pour leur rôle dans l’approvisionnement de composants utilisés sur le champ de bataille.
- Exportations sensibles : 26 nouvelles entités sont ajoutées à la liste des restrictions sur les biens à double usage. Parmi elles, 11 sont basées en Chine, à Hong Kong ou en Turquie.
- Biens critiques : de nouveaux biens entrant dans la composition de systèmes militaires (machines CNC, composants chimiques pour propergols) sont désormais restreints.
- Transit élargi : les restrictions de transit via la Russie s’appliquent désormais à des biens critiques pour l’économie, notamment dans les secteurs de la construction et du transport
5. Responsabilité et droits humains
Le Conseil impose des sanctions Ă une autre personne activement impliquĂ©e dans l' »éducation militaire » des enfants ukrainiens par la Russie. Cela porte Ă plus de 90 le nombre total d’inscriptions liĂ©es Ă la dĂ©portation et Ă l’endoctrinement d’enfants ukrainiens. Avec ce train de mesures, sont Ă©galement ajoutĂ©s Ă la liste plusieurs auxiliaires de la Russie dans les territoires occupĂ©s, y compris une personne responsable de la manipulation du patrimoine culturel ukrainien, une autre personnalitĂ© d’affaires russe influente et un acteur de la propagande russe.
 6. Biélorussie
- Complexe militaro-industriel : huit entités sanctionnées pour leur participation aux opérations russes.
- Alignement commercial : les restrictions commerciales visent à rapprocher le régime applicable à la Biélorussie de celui déjà imposé à la Russie.
- Transactions financières : l’interdiction de fournir des services de messagerie financière devient une interdiction totale des transactions.
- Embargo sur les armes : extension à toutes les importations en provenance de Biélorussie.
7. Arbitrage et investissements
L’UE adopte un dispositif préventif contre les recours abusifs initiés par des acteurs russes sur la base de traités bilatéraux d’investissement (TBI) :
- Interdiction de reconnaître et d’exécuter dans l’UE des sentences fondées sur un TBI avec la Russie.
- Obligation faite aux États membres d’intervenir dans les procédures en cours.
- Mise en place d’un cadre commun pour encadrer le traitement de telles demandes.
Conclusion
Ce 18ᵉ paquet traduit une stratégie plus ciblée, plus extraterritoriale et plus structurée: l’UE vise tout l’écosystème de soutien à l’effort de guerre russe, y compris en dehors de ses frontières. Le paquet marque ainsi une inflexion dans la logique des sanctions européennes, avec une attention accrue portée aux circuits de contournement, aux pratiques de camouflage logistique (flotte fantôme), et aux outils juridiques employés par les acteurs russes pour résister à l’effort de gel.
Pour en savoir plus: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/qanda_25_1841
Je suis avocate, et j’exerce en droit du commerce international, droit douanier, sanctions et export-control.
J’accompagne les entreprises dans la gestion de leurs enjeux douaniers, fiscaux et commerciaux.